La Cour d’Appel de Paris vient de prendre un arrêt en date du 13 septembre 2022 intéressant sur le plan jurisprudentiel.
Il s’agit d’une décision que l’on pourrait qualifier de réhabilitation « immédiate ». Rien de nouveau sur le plan légal, cette procédure permet de remplacer la révision par la réhabilitation prévue à l’article Article 133-12 Code pénal trop longue et lourde à mettre en œuvre pour les petites condamnations et permettre plus facilement à la justice de blanchir un justiciable injustement condamné.
En l’espèce, l’affaire concerne le Maire en poste à la tête de la commune de Linas-Montlhéry entre 1995 et 2020. En 2015 il est au centre d’une tourmente judiciaire. Il est accusé de 11 chefs, seuls seront retenus escroquerie, travail dissimulé et surtout prise illégale d’intérêt. La faute consiste en l’exploitation d’un bar culturel sous la forme associative. Comme le rappelle l’arrêt de la Cour d’appel « Il ressort de la procédure que les infractions ont été commises entre 2012 et 2015 alors que M.X, Maire de la commune de Linas, avait exercé des activités commerciales et artisanales sous couvert d’associations qui n’étaient que des façades afin de bénéficier notamment de financements publics par les contrats aidés. » On note que le Tribunal prend bien soin de relativiser les accusations en précisant qu’elles sont conclusives de la « procédure ». On verra plus loin que de sérieux doutes entachent ladite procédure notamment au niveau de l’enquête judiciaire.
Le tollé anti-élus conduisent le prévenu à une première condamnation à 5 ans d’inéligibilité en 2017, ramenée à 3 ans en appel en 2018 alors que dans la même décision plusieurs accusations infondées sont également annulées. Mais l’élu reste condamné à de l’inéligibilité en l’absence d’enrichissement personnel et alors que la faute, au regard des deniers publics de sa commune, serait d’avoir vendu, sans justificatif, du bois de chauffage de la Ville à une des associations dont il s’occupait avec un statut de bénévole.
En 2020, condamné définitivement et donc inéligible, l’élu jette l’éponge avant les élections municipales. Cela laisse la voie libre à l’opposition minoritaire qui accède ainsi à la tête de la commune.
Peu de temps après la conclusion du processus judiciaire, des témoignages viennent jeter le trouble sur la loyauté de l’enquête policière qui a mis en cause l’élu. En langage judiciaire cela se formule ainsi « des faits postérieurs à la condamnation jetteraient un doute sur l’impartialité du policier ayant conduit l’enquête » (extrait de l’arrêt suscité qui pour autant n’en fait pas litière).
L’élu condamné présente une demande en effacement de sa condamnation. La Cour d’appel y a donc fait droit en Septembre 2022 dans un contexte qu’il est intéressant de relever:
– Tout d’abord le Ministère public demandait le rejet de la requête en effacement arguant que l’élu était susceptible de postuler à des responsabilités publiques ayant un lien étroit avec celles de la condamnation. Sans parler de désaveu, le Ministère public n’a pas été suivi par la Cour, ce qui est rare dans ce type de procédure. Cela vient en quelque sorte sanctionner l’instance qui a porté l’accusation et qui notamment était à l’initiative des poursuites et de l’enquête d’investigation sur laquelle il est permis à présent de douter.
– Ensuite la Cour d’Appel relève à plusieurs reprises la situation personnelle et professionnelle difficiles dans laquelle a été plongé l’intéressé qui, ayant suspendu son emploi d’informaticien en 1998 pour se consacrer à ses responsabilités publiques de Maire et de Conseiller Général, n’avait plus les compétences professionnelles 25 ans plus tard, autres que celles d’élu : « il est cohérent que, compte tenu de sa vie professionnelle passée, sa compétence essentielle soit celle des collectivités locales et qu’à l’âge de 57 ans une reconversion dans un autre domaine soit particulièrement difficile. »
– Enfin il n’a pas échappé à la Cour que l’intéressé avait déjà été l’objet d’une condamnation en 2006 pour laquelle il avait déjà été « réhabilité de plein droit », soulignant le contexte particulièrement procédurier dans lequel avait évolué l’élu sous les coups « de relations conflictuelles ayant existé avec l’opposition municipale ».
François Pelletant, Maire de Linas, a donc vu la totalité des condamnations le concernant exclue du bulletin N°2 de son casier judiciaire. Il a retrouvé, dès le 13 septembre 2022, sa totale éligibilité soit 2 ans et 9 mois jour pour jour après l’avoir perdue. Cependant, dans l’intervalle, les élections municipales de mars et juin 2020 avaient porté aux affaires une autre majorité ; l’élu déchu injustement ne pourra briguer son mandat de Maire que lors des prochaines élections prévues en 2026.