Retour sur l’article : pour les magistrats du PNF, « le ministre a vengé l’avocat »

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Nous venons de voir ce papier sur la thématique « la justice ». Avec plaisir nous vous en apportons le plus remarquable dans cette publication.

Son titre (pour les magistrats du PNF, « le ministre a vengé l’avocat ») est évocateur.

Sachez que le rédacteur (identifié sous la signature d’anonymat
) est positivement connu.

Il n’y a aucune raison de ne pas croire du sérieux de ces infos.

L’encart a été publié à une date mentionnée 2023-11-08 11:21:00.

Ils ont été entendus comme simples témoins, et pourtant, dans cette affaire, ils sont les premières victimes des soupçons de « prise illégale d’intérêts » qui valent à Eric Dupond-Moretti d’être traduit devant la Cour de justice de la République (CJR) depuis trois jours, dans un procès inédit pour un ministre en exercice. Mercredi 8 novembre, les magistrats du parquet national financier (PNF) Patrice Amar, Ulrika Delaunay-Weiss, ainsi que leur ancienne cheffe Éliane Houlette, ont tous défilé à la barre, assurant que les enquêtes diligentées contre eux à l’été 2020 constituaient bien une « manœuvre du pouvoir politique pour déstabiliser le PNF », relayées par de nombreuses « campagnes de presse », doublée d’un règlement de comptes « personnel » mené contre eux par Éric Dupond-Moretti. « Dans ce dossier, c’est très simple : le ministre a vengé l’avocat », a résumé d’une phrase Ulrika Delaunay-Weiss, 54 ans, au milieu d’une déposition particulièrement offensive et convaincante.

La magistrate, qui a fait toute sa carrière au parquet et en a peu à peu gravi les échelons, jusqu’à intégrer le tout nouveau PNF à sa création en février 2014 – « une formidable opportunité pour traiter dans de bonnes conditions les dossiers économiques complexes » – fonctionnait en binôme avec Patrice Amar sur le dossier « Bismuth », cette procédure connexe aux investigations menées sur les soupçons de financement libyen de la campagne 2007 de Nicolas Sarkozy. Les magistrats s’aperçoivent lors de leur enquête qu’ils ont été victimes d’une « fuite » et lancent une nouvelle investigation pour tenter de débusquer la « taupe » qui a informé Me Thierry Herzog, l’avocat de l’ex chef de l’État, de la mise sur écoutes de la ligne Bismuth. Les fadettes de plusieurs avocats sont épluchées, dont celles d’Éric Dupond-Moretti, un très proche de Thierry Herzog, qu’il a appelé dans la très courte fenêtre pendant laquelle la fuite a eu lieu. « C’est ironique, mais en réalité, c’est moi qui vais innocenter M. Dupond-Moretti de ces soupçons. Le contact était trop tardif, ça ne pouvait pas être lui », raconte Patrice Amar.

« C’était un théâtre d’ombres, un jeu de rôle »

La taupe ne sera finalement jamais retrouvée, ce qui ne surprend guère les magistrats. Mais la révélation de cette enquête par l’hebdomadaire Le Point, le 24 juin 2020, va, elle, faire grand bruit. En Une, le journal titre : « La nouvelle affaire des écoutes ». Et commente : « Des avocats espionnés, leurs téléphones géolocalisés », « comment des magistrats, pour se payer Sarkozy, ont piétiné l’État de droit » « faut-il dissoudre le parquet national financier ? » Cette dernière question est d’ailleurs posée à l’avocat Éric Dupond-Moretti, qui répond : « Il faut faire bien plus que cela. Les juges doivent aussi rendre des comptes. Dans notre pays, la responsabilité des juges, ça n’existe pas ». Il portera plainte peu après. La machine politique s’emballe et une « enquête de fonctionnement » est lancée par la ministre Nicole Belloubet sur l’action des magistrats du PNF, une « anomalie » relève Patrice Amar. « C’était un théâtre d’ombres, un jeu de rôle, poursuit le magistrat. Le pouvoir a fait mine de s’informer de choses qu’il connaissait déjà. C’était un monologue du pouvoir exécutif avec lui-même. » Sa collègue Delaunay-Weiss va même plus loin. « Avec cette demande d’inspection, on assistait à l’intervention du pouvoir exécutif pour vérifier la légalité d’une enquête judiciaire. En violation manifeste du principe de la séparation des pouvoirs ! »

Les investigations menées par l’Inspection générale de la Justice ne relèvent pas de faute caractérisée de la part des magistrats, mais à la mi-septembre, alors qu’Éric Dupond-Moretti est devenu garde des Sceaux depuis deux mois, les nuages s’obscurcissent au-dessus de la tête des juges. « Le 15, on apprend par la presse que le ministre va demander des sanctions disciplinaires contre nous. Alors que l’enquête dit : ‘circulez, y a rien à voir’ ! raconte Ulrika Delaunay-Weiss. Et le 18, nouveau communiqué de presse de la Chancellerie, qui donne nos trois noms en pâture. C’est un immeuble qui s’effondre sur ma tête à ce moment-là. Pendant des semaines, je ne pouvais plus rien faire, j’étais comme un zombie. »

« On nous a qualifiés de barbouzes, d’hygiénistes de la morale publique »

Les trois magistrats n’écoperont finalement d’aucune poursuite disciplinaire, même si deux d’entre eux (Éliane Houlette et Patrice Amar) seront tout de même traduits devant le Conseil supérieur de la magistrature. « Une humiliation, a témoigné Éliane Houlette à la barre. Pendant cinq ans, j’ai consacré ma vie, matin et soir, y compris la nuit, à la construction de ce parquet, en cherchant toujours à améliorer les choses. Oui, j’étais très exigeante, on me l’a reproché. Mais là, j’étais très amère. » L’avocat général Philippe Lagauche lui rappelle les propos qu’elle a tenus devant la commission d’instruction de la CJR, accusant directement le garde des Sceaux « d’avoir profité de sa nouvelle position institutionnelle (de ministre) pour lancer ces enquêtes », malgré le conflit d’intérêts patent qui aurait dû l’obliger à « se déporter ». « Je confirme mes propos. Alors qu’il était avocat, M. Dupond-Moretti nous avait qualifiés de ‘barbouzes, d’hygiénistes de la morale publique’Alors, oui, ces procédures interrogent », a indiqué l ex-cheffe du PNF, en retraite depuis 2019, avant de conclure en précisant qu’elle n’est « pas l’amie intime du procureur général Rémi Heitz », comme la défense l’a suggéré.

L’adresse d’Ulrika Delaunay-Weiss aux juges parlementaires

Un peu plus tôt, Ulrika Delaunay-Weiss avait terminé son témoignage en s’adressant directement aux nombreux juges parlementaires qui composent l’essentiel de la CJR. Disant sa « crainte » initiale devant cette « juridiction d’exception », avec des élus possiblement affublés « de consignes de vote émanant de leurs partis », elle a indiqué avoir changé d’avis, lundi, en voyant les juges parlementaires arriver « dans leur robe de magistrat, dans cette salle solennelle ». « Vous avez été projetés dans le monde de la justice, êtes devenus de véritables juges, et à ce titre les doubles représentants du peuple. À l’heure du vote, qui restera secret, vous ne serez plus que face à votre conscience », a lancé la magistrate, aujourd’hui en fonction au tribunal de Nanterre. Ajoutant : « Ce procès n’est pas seulement celui de M. Éric Dupond-Moretti. Il traite d’enjeux bien supérieurs, que vous êtes chargés aujourd’hui de défendre ».

Bibliographie :

Au crépuscule de la justice pénale,A voir et à lire. . Disponible sur internet.

La justice et les institutions juridictionnelles,Le livre .

Quelle justice pour la France ?,(la couverture) .

Author: Maurice GLAIN