Mesurer le respect des règles et les décisions des organes de règlement des différends de la CNUDM – EJIL : Parlez !

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Ce qui se produit? anus une cour ou un tribunal international rend son jugement ? Sir Robert Jennings a un jour souligné l’ironie de la complexité des activités des cours et tribunaux internationaux, jusqu’au prononcé d’un jugement, et du peu de connaissances dont nous disposons sur ce qui suit. C’est en effet une curiosité étant donné que le respect des règles a toujours été au cœur du droit international. Beaucoup a été écrit sur la question de savoir si le respect des règles est nécessaire pour que le droit international remplisse sa fonction ; si la réputation des cours et tribunaux internationaux est endommagée lorsqu’un État ne se conforme pas à leurs ordonnances. Nous n’avons pas l’intention de nous lancer dans ces débats, mais dans une étude récente, nous avons tenté de corriger le manque de connaissances identifié par Sir Robert dans le contexte des décisions des organes de règlement des différends de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ( UNCLOS).

La CNUDM, qui compte près de 170 parties et constitue la « constitution des océans », contient un système détaillé de règlement des différends. Alors que le règlement des différends de la CNUDM a été relativement moins utilisé que d’autres systèmes internationaux de règlement des différends (comme celui sous les auspices de la Cour internationale de Justice ou de l’Organe de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce), la CNUDM célèbre aujourd’hui son 30e anniversaire.ème année d’exploitation; un bon moment de réflexion.

Alors, comment se portent ces organes de règlement des différends ? Nous avons constaté que la non-conformité réelle pouvait être identifiée dans seulement trois des 29 décisions faisant l’objet de notre étude. Dans les 26 décisions restantes, soit il y avait un certain degré de conformité avec la décision (21 décisions), soit il n’y avait pas suffisamment d’informations pour tirer une conclusion (cinq décisions). Bien qu’il y ait place à l’amélioration, nous pensons que ces résultats en matière de respect des obligations reflètent largement la Convention sur le droit de la mer et le système de règlement des différends qu’elle contient.

Mesurer différentes formes de conformité

L’un des problèmes clés que nous avons rencontrés dans notre étude concernait la méthodologie. En nous appuyant sur les travaux de Shany, nous sommes d’avis que la meilleure façon de mesurer le respect des obligations est de constater un changement dans le comportement de l’État en question après le prononcé du jugement. Nous avons examiné des sources accessibles au public (telles que des lois, des communiqués de presse, des articles de journaux, des discours et d’autres documents gouvernementaux) pour déterminer si ce changement s’était produit, tout en reconnaissant le fait que de nombreux autres documents pertinents peuvent ne pas être publics, ou ne pas l’être. être en anglais ou en français et donc inaccessible pour nous.

Au lieu de commencer par une vision binaire du respect des obligations (soit un État s’est conformé, soit il ne s’est pas conformé), nous avons inversé le processus et laissé le comportement des États nous apprendre comment catégoriser le respect des obligations. De ce processus, nous avons pu discerner cinq modes de conformité :

  • Premièrement, la conformité totale, qui se produit lorsqu’il existe un lien de causalité entre la décision judiciaire et la pratique de l’État. Dans le Hoshinmaru Dans cette affaire, le Japon a engagé une procédure visant à obtenir la libération rapide d’un navire battant son pavillon, qui avait été saisi par la Russie. Le TIDM a ordonné la mainlevée rapide du navire après paiement d’une caution par le Japon, qui a été promptement payée. La Russie a libéré le navire le lendemain. Nous considérons qu’il s’agit d’un exemple exemplaire de respect d’un arrêt du TIDM.
  • Deuxièmement, le non-respect. Le non-respect est le contraire du respect et se produit lorsque la décision judiciaire est rejetée, dénoncée comme invalide et, surtout, il y a un refus explicite de se conformer (par opposition à un refus de se conformer en partie ou d’une manière différente de celle prévue). ce qui a été commandé). Nous avons identifié trois cas de non-conformité manifeste : le Mer de Chine méridionale cas, Lever du soleil sur l’Arctique et Intégrité Duzgit. Lever du soleil sur l’Arctique, qui concernait les tentatives des Pays-Bas de demander la libération d’un navire et de son équipage qui avaient été arrêtés par la Russie, est un exemple rare d’un tribunal de la CNUDM déclarant le non-respect de ses ordonnances. L’équipage de l’Arctic Sunrise n’a pu quitter la Russie que 27 jours après que les Pays-Bas ont déposé une garantie bancaire conformément aux ordonnances du Tribunal, et le navire n’a été libéré que huit mois après l’ordonnance du TIDM. Lors de la phase sur le fond, le Tribunal a estimé que ce retard violait l’exigence de célérité de son ordonnance de mesures conservatoires. La Russie ne s’est donc pas conformée à la décision relative aux mesures provisoires.
  • Troisièmement, la conformité partielle, qui se produit lorsqu’un État a répondu à certaines parties de la décision judiciaire mais pas à d’autres. Dans Barbade c. Trinité-et-Tobago, qui a été le premier différend sur la délimitation de la frontière maritime initié dans le cadre de la CNUDM, les antécédents indiquent que les deux États ont déployé des efforts substantiels pour se conformer à la plupart des ordres opérationnels du Tribunal. Cependant, à notre connaissance, les États ne sont pas parvenus à un accord formel sur la conservation et le partage des stocks de poissons volants, comme l’a ordonné le Tribunal. Ainsi, seule une partie de l’ordonnance du Tribunal a été respectée.
  • Quatrièmement, le respect de bonne foi, qui se produit lorsqu’un État a fait des efforts de bonne foi pour se conformer à la décision judiciaire mais n’a pas réussi à la mettre pleinement en œuvre. Cette forme de conformité peut se produire lorsque l’État n’a pas la capacité d’exécuter l’arrêt, ou lorsque le dispositif c’est ambigu. Dans Camouco, qui concernait la libération rapide d’un navire de pêche panaméen arraisonné par les autorités françaises, il s’est écoulé un délai léger mais significatif d’environ trois semaines entre le moment où le Panama a payé la caution ordonnée par le TIDM et la libération du navire par la France. Ce retard était toutefois dû à la nécessité de faire réviser la valeur de la caution payable en vertu du droit interne par les tribunaux locaux. Si le fonctionnement du droit interne ne peut servir d’excuse à des retards dans l’exécution, il apparaît que les autorités françaises se sont efforcées de se conformer à l’ordonnance.
  • Cinquièmement, la conformité nominale, qui se produit lorsqu’il y a eu des actions conformes à la décision judiciaire, mais que cette conformité est compromise d’une manière ou d’une autre. Dans Trois navires de la marine ukrainienne, qui concernait une demande de l’Ukraine visant à restituer des navires et des militaires détenus par la Russie, les navires en question ont été restitués à l’Ukraine dans un état médiocre, après avoir été dépouillés de certaines de leurs caractéristiques. Dans ces circonstances, on ne pouvait pas dire à la Russie qu’elle se conformait pleinement aux ordonnances du Tribunal – tout au plus pouvait-on considérer qu’elle s’y conformait théoriquement.

Même avec une catégorie plus étendue de comportements de conformité, nous reconnaissons que la tâche de classification n’est pas toujours absolue et implique nécessairement un certain degré de détermination subjective. Il n’est pas toujours évident de faire la distinction entre une conformité de bonne foi et une conformité partielle ; cela suggère qu’il existe un aspect résiduel du jugement qui n’a pas été abordé. Nous mettons l’accent sur la question de savoir s’il y a eu un effort pour se conformer ou si le ou les États concernés ont choisi de ne pas donner suite à une ordonnance particulière. La conformité nominale par rapport à la conformité de bonne foi indique qu’une distinction est établie entre un comportement qui respecte le processus de règlement des différends et une conduite qui peut signaler un désaccord persistant quant aux positions respectives des parties prenantes (soit la position juridique du demandeur, soit la détermination de la compétence du tribunal). Sans vouloir être dogmatiques quant aux catégories, nous avons cherché à déterminer que dans chaque cas de conformité, le jugement faisait une certaine différence dans le comportement de l’État.

En tenant compte de ces différentes formes de respect, on peut conclure que le respect se produit le plus souvent dans le cadre du règlement des différends au titre de la CNUDM.

Conclusions sur le respect du règlement des différends liés à la CNUDM

Nous avons constaté que la majorité des cas de pleine conformité étaient des décisions du Tribunal international du droit de la mer, par opposition aux tribunaux ad hoc de l’Annexe VII constitués en vertu de la Partie XV. Il n’est cependant pas convaincant que ce bilan à lui seul doive influencer les parties à la CNUDM quant au choix du forum.

Parmi les autres points clés à retenir, citons le fait que, dans les procédures de mainlevée rapide, les navires et leur équipage étaient généralement libérés sur ordre du TIDM. En outre, nous constatons généralement le respect des délimitations des frontières maritimes, ce qui peut s’expliquer par la nécessité de générer la certitude commerciale nécessaire pour permettre l’extraction des ressources. Lorsque des intérêts politiques importants sont en jeu, comme dans Mer de Chine méridionaleil n’est peut-être pas surprenant de constater que le respect des obligations est moins évident.

Même en tenant compte de ces cas de non-respect, nous pensons que le recours au règlement des différends de la CNUDM fait néanmoins une différence dans le règlement pacifique des différends internationaux. Il convient de noter que le nombre d’affaires engagées est bien supérieur au nombre de décisions rendues dans le cadre du règlement des différends de la CNUDM. Le lancement même de la procédure a sans aucun doute eu un impact sur les interactions des États parties à la CNUDM et sur la gouvernance des océans de manière plus large.

En effet, le respect des décisions d’un tribunal de la CNUDM n’est qu’un aspect du comportement postérieur au jugement. Parmi les autres résultats que nous avons identifiés figurent des modifications du droit national ou des contributions à l’évolution du droit international. Selon nous, les décisions dont la conformité était la moins parfaite – Mer de Chine méridionale et les cas impliquant la Russie – ont été parmi les plus importants en termes de clarification du contenu du droit international.

Même si le respect des obligations n’est pas le seul critère de réussite, ce bilan en matière de respect reflète bien à la fois la CNUDM et l’intégrité des organes de règlement des différends créés en vertu de celle-ci. À notre avis, le 30ème L’anniversaire de l’entrée en vigueur de la CNUDM marque l’existence d’un système de règlement des différends résilient et efficace.

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Author: Maurice GLAIN