Un fois de plus, ce site va vous révéler un papier qui a été noté sur internet. Le sujet est «la justice».
Son titre (Rupture brutale des relations commerciales établies. Par Catherine d’Estais, Avocat.) synthétise tout le papier.
Identifié sous la signature «d’anonymat
», l’éditorialiste est positivement connu pour plusieurs autres articles qu’il a publiés sur le web.
Le texte a été divulgué à une date indiquée 2023-06-23 18:44:00.
Depuis 1996 il est interdit de rompre brutalement une relation commerciale établie.
Cette interdiction est désormais sanctionnée à l’article L 442-1, II du Code de commerce :
« Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.
En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois.
Les dispositions du présent II ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ».
La rupture de relations commerciales demeure une source de contentieux important.
L’aléa judiciaire ne permet pas de tirer de la jurisprudence des certitudes mais de dégager quelques enseignements pour limiter les risques d’être condamné à des dommages-intérêts pour avoir rompu brutalement une relation commerciale considérée comme établie.
Les conditions à réunir pour qu’il y ait rupture brutale de relations commerciales établies demeurent :
- L’existence d’une relation de nature commerciale,
- Le caractère établi de cette relation,
- Le caractère brutal de la rupture.
La jurisprudence récente tend à confirmer :
- que la réglementation ne s’applique pas là où existe un régime spécifique ou si la relation n’est pas de nature commerciale ;
- que la précarisation de la relation peut permettre d’échapper à la réglementation ;
- que la durée du préavis à respecter tient compte de la durée de la relation commerciale et d’autres circonstances ;
- que la notification de la rupture concerne également l’appel d’offres ;
- que la responsabilité de l’auteur n’est pas engagée en cas de faute suffisamment grave de la victime ;
- que le contexte de crise économique peut exclure le caractère brutal de la rupture.
Enfin, l’évolution principale serait celle liée au calcul de la durée du préavis qui aurait tendance à diminuer.
1) Sur l’existence d’une relation de nature commerciale.
Toutes les relations commerciales sont concernées à l’exception des professions pour lesquelles il existe un texte spécial (ex. agents commerciaux, commissionnaires de transport, …) ou si la relation n’est pas de nature commerciale.
Ainsi la profession de conseil en propriété industrielle a été jugée incompatible avec toute activité de caractère commercial, qu’elle soit exercée directement ou par personne interposée [1] (lire sur le sujet l’article suivant : Rupture de relations commerciales établies : vérifier la nature commerciale de la relation. Par Catherine d’Estais, Avocat.).
2) Sur le caractère établi de la relation commerciale.
Il n’existe pas de critère temporel précisé par le texte.
C’est à partir de différents indices issus de la jurisprudence que le caractère établi de la relation commerciale sera apprécié : durée, continuité, stabilité et croyance légitime en la stabilité des relations pour la victime.
La relation commerciale établie suppose toujours un caractère suffisamment prolongé, régulier, significatif et stable du courant d’affaires entre les parties.
L’absence de contrat écrit depuis l’origine n’empêche pas la caractérisation d’une relation établie dans la mesure où il est démontré que la relation dure depuis plus de dix ans, génère un chiffre d’affaires significatif pour les deux parties et présente un caractère stable et régulier [2].
Avoir recours à l’appel d’offres pour précariser la relation permet parfois d’échapper à la réglementation ; ainsi, il a été jugé qu’en participant à un appel d’offres perdu, après avoir déjà participé à une première procédure remportée, une société ne pouvait se prévaloir d’une relation établie [3].
Dans le même sens, le recours systématique à l’appel d’offres peut permettre d’éviter la qualification d’établie à la relation en cause même si le partenaire n’a pas été informé du caractère systématique du recours à la mise en concurrence [4] ; mais là encore, il s’agit d’une appréciation au cas par cas et la relation peut être jugée établie en dépit des appels d’offres [5].
3) Sur la durée raisonnable du préavis.
La durée du préavis à accorder était souvent calculée sur la base d’un mois de préavis par année d’ancienneté.
Il importe de préciser que la durée des relations n’est pas le seul paramètre pris en considération pour évaluer la durée du préavis : « la durée du préavis suffisant s’apprécie au terme d’une analyse concrète de la relation commerciale, tenant compte de sa durée, du volume d’affaires et de la notoriété du client, du secteur concerné, comme du caractère saisonnier du produit, du temps nécessaire pour retrouver un autre partenaire, en respectant, conformément à la loi, la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce et de l’état de dépendance économique du fournisseur, cet état se définissant comme l’impossibilité pour celui-ci de disposer d’une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu’il a nouées avec une autre entreprise » [6].
Ainsi, il a été jugé qu’un préavis de 3 mois était suffisant pour cinq ans de relations [7].
De même, pour une relation de douze ans, huit mois de préavis ont été retenus en l’absence de spécificité des prestations effectuées, de la faible part de chiffre d’affaires et de la baisse continue des relations depuis plusieurs années [8].
En tout état de cause, l’appréciation de ces éléments se fait « au moment de la notification de la rupture » [9].
Pour les litiges nés après l’ordonnance du 19 avril 2019, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois.
Toutefois, même pour les litiges nés avant l’ordonnance de 2019, le préavis de dix-huit mois a été retenu par la Cour d’appel de Paris dans différentes décisions.
Ainsi, dans une affaire concernant une relation de trente-cinq ans représentant 50 % de son chiffre d’affaires, une victime a obtenu un préavis de dix-huit mois reconnu comme étant suffisant [10].
De même, il a été jugé que la rupture d’une relation de trente ans représentant 33 %du chiffre d’affaires de la victime dans un marché hautement concurrentiel nécessitait un préavis de dix-huit mois [11].
4) Sur le formalisme requis pour notifier la rupture.
La rupture est brutale lorsqu’elle intervient sans préavis écrit ou avec un préavis jugé insuffisant.
La notification de la rupture est nécessairement écrite : elle n’est valable que si elle est écrite et comporte la date à laquelle la relation prendra fin, y compris en matière d’appel d’offres [12].
Le caractère prévisible de la rupture importe peu : « Le caractère prévisible de la rupture d’une relation commerciale établie ne prive pas celle-ci de son caractère brutal si elle ne résulte pas d’un acte du partenaire manifestant de ne pas poursuivre la relation commerciale et faisant un courir un délai de préavis » [13].
De plus, en matière d’appel d’offres, un délai suffisant doit être accordé entre la notification du recours à l’appel d’offres et la cessation effective de la relation [14].
5) Sur la dispense de préavis.
La loi ne prévoit que deux cas d’exonération de préavis : la force majeure et l’inexécution par le partenaire de ses obligations.
Concernant l’inexécution des obligations par le partenaire, la faute doit être d’une gravité suffisante [15].
La gravité du manquement nécessite l’existence de réclamations, mise en demeure préalable à la résolution sans préavis [16].
Mais ces réclamations préalables ne suffisent pas à établir la gravité des inexécutions susceptibles de justifier une rupture sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation [17].
De plus, il a été jugé insuffisamment grave le manquement qui fut par le passé toléré par le cocontractant [18].
6) Sur le contexte de crise économique.
Enfin, la jurisprudence reconnaît parfois qu’un contexte de crise économique peut dispenser l’octroi du préavis à condition que l’auteur de la rupture soit victime lui-même de ce contexte et que cette rupture ne lui soit donc pas imputable [19].
Ainsi, lorsque la rupture résulte de l’absence d’adaptation « aux nouvelles exigences du marché », par ailleurs identifié comme « un marché en crise », la responsabilité de son auteur est écartée car « le partenaire commercial n’a pas un droit à une relation inchangée et ne peut refuser toute adaptation commandée par l’évolution économique » [20].
Mais la crise économique ne peut être invoquée par le partenaire qui a dans le même temps augmenté son chiffre d’affaires [21].
En conclusion, lorsqu’il y a volonté de rompre une relation commerciale, il est impératif de l’analyser en amont pour limiter le risque d’être sanctionné au titre de la rupture brutale d’une relation commerciale établie.
Or depuis trois ans, la succession de chocs économiques ne permet pas toujours aux entreprises d’anticiper les décisions pour mettre fin à une relation commerciale.
Chaque situation est spécifique mais dans tous les cas, instaurer un dialogue avec le partenaire pour organiser une fin apaisée de la relation reste toujours la meilleure des solutions.
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